La plongée industrielle en France (Paul GAVARRY Directeur INPP)

Les premiers travaux immergés 
Sans revenir aux sources les plus anciennes de cette longue histoire de la pénétration du monde subaquatique par l’homme, nous rappellerons que, déjà, Léonard de Vinci, avait imaginé et dessiné 
des équipements qui seront utilisés quelques siècles plus tard et que c’est le 16e siècle qui marqua 
le début de l' »aventure industrielle sous-marine » avec le premier équipement conçu par l’italien Guglielmo de Lorena utilisé en 1535, cuve cylindrique renversée sur la tête et le thorax, 
munie d’un hublot et d’un système de manutention, qui préfigurait les cloches de plongée 
et les casques de scaphandre. 

Période faste et fantastique du 16e au 18e siècle au cours de laquelle l’esprit inventif de l’homme, excité par les richesses des navires engloutis, ne cessa de concevoir de folles machines plongeantes et où les travaux des Toricelli, Pascal, Boyle, Mariotte… permirent d’acquérir les connaissances physiques et chimiques nécessaires à une meilleure accessibilité des fonds et à des conditions 
plus favorables de séjour en immersion. 

Cette notion de plongée industrielle de notre civilisation occidentale apparaît à la fin du 18e siècle où l’effort conjugué de la recherche fondamentale et du progrès technologique va amener rapidement la nouvelle génération du scaphandre mis au point par Siebe, père du scaphandre à casque, puis amélioré par Cabirol, mais également des enceintes closes à pression atmosphérique comme les tourelles d’observation de Barton et de Toselli et les scaphandres rigides articulés de Taylor et des frères Carmagnolle pour ne citer que ces précurseurs, sans oublier le « vaisseau sous-marin » véhiculant des plongeurs dans sa coque d’acier comme le sous-marin « crache-plongeurs » d’aujourd’hui. 

Plongée et génie civil 

Le bouleversement technologique fut la conséquence d’une forte évolution économique qui éclata en ce début de 19e siècle où les opérations de sauvetage de cargaisons précieuses souvent liées aux travaux de renflouement ne constituèrent plus l’activité majeure de cette nouvelle catégorie d' »ouvriers plongeurs ». Plein essor dans le développement des ports de commerce avec édification de quais et 
de jetées, entretien et réparation des navires à flot, création et aménagement des voies fluviales, nouvelle architecture des ponts, aides à la navigation avec la construction de phares et de balises fixes en mer… 

Cet ensemble d’activités nouvelles et fructueuses entraîna la naissance d’entreprises et de sociétés de travaux sous-marins parfaitement organisées et rapidement adaptées à une situation de marché extrêmement favorable. Le chantier sous-marin devint une réalité et les progrès réalisés au niveau 
des équipements et des outillages contribuèrent, également, à la pleine réussite des opérations. 

Il faut souligner, toutefois, que les conditions de travail n’étaient pas toujours satisfaisantes en raison des problèmes d’ordre physiologique découlant d’une méconnaissance quasi totale des effets 
de la pression où maux de tête, saignements de nez, irritation des tympans n’étaient, 
pour les scaphandriers, que les signes d’une manifestation normale du milieu. 
On peut souligner que les durées de travail à faible profondeur (10 à 16 m) pouvaient atteindre trois heures et que les décompressions étaient effectuées par une remontée lente et uniforme. 
C’est entre 1860 et 1910, que les phénomènes physiologiques furent étudiés par Paul Bert (1878) 
et par Haldane (1906), ce dernier, notamment, définissant la décompression par paliers. 

Jusqu’aux années 1950, le scaphandre à casque, et même le scaphandre rigide articulé 
(Peres, Galeazzi…), fut très employé pour les travaux portuaires, mais surtout, dans les opérations 
de renflouement des navires coulés ou sabordés pendant les conflits mondiaux. 
En mai 1945, l’ensemble des ports et estuaires français était obstrué par 3140 épaves de navires détruits. Période faste du chalumeau et de l’explosif sous-marin, peu spectaculaire mais riche d’expérience par l’importance des travaux de déblaiement puis de reconstruction. 

Ce fut la fin du règne du scaphandre à casque et l’avènement du scaphandre autonome qui apportait une plus grande liberté et une meilleure souplesse d’emploi. Mais ses limites sont apparues rapidement dans l’accès aux grands fonds où les répercussions physiologiques dues aux agressions plus aiguës du milieu, les performances moindres des équipements et la faiblesse du rendement ont été autant d’obstacles qui ont restreint son emploi en plongée industrielle. 

La plongée industrielle « offshore » 

A partir des années 60, avec le besoin créé par l’exploration pétrolière « offshore », est apparue 
la nécessité de mettre au point la plongée industrielle à grande profondeur. La mise en évidence 
de la valeur économique potentielle du fond de la mer a provoqué la nécessité d’intervenir sur le fond efficacement, en toute sécurité et dans les zones étendues, du plateau continental, en premier lieu, 
et ultérieurement dans les plus grandes profondeurs. Les chantiers sous-marins ont exigé, d’une part, des moyens d’intervention plus lourds et plus performants, d’autre part, la mise au point de méthodes plus précises et une qualification plus poussée des scaphandriers et du personnel d’assistance. 
Tout est allé très vite au cours de ces dernières décennies où le développement intensif des technologies nouvelles indispensables à la production a entraîné l’homme dans une sarabande folle des moyens d’intervention : système de plongée à saturation, tourelles de plongée, 
sous-marin « crache-plongeurs », engins hybrides à pression atmosphérique et pressurisables, scaphandres rigides motorisés… Le scaphandrier est devenu un opérateur dont l’amélioration des équipements a permis d’augmenter la durée de travail en eau et de gagner quelques dizaines ou centaines de mètres en profondeur, mais il a perdu une bonne partie de sa liberté d’action individuelle et s’est trouvé dépendant de l’organisation fonctionnelle de son soutien en surface. 

Cette activité s’est développée et de nombreuses sociétés civiles se sont créées dans le monde. Disposant d’un potentiel important en moyens de pénétration et pour certaines, de centre de recherches, elles poursuivent leurs efforts, entrepris depuis de longues années, pour permettre d’envisager, raisonnablement, l’accessibilité de l’homme dans ces zones d’action avec les meilleures conditions de sécurité et de rendement. 

Les ports, les fleuves, les barrages exigent toujours autant d’attention de la part des entreprises 
de génie civil qui viennent de bénéficier d’un transfert technologique incontestable de l' »offshore » constaté au niveau des méthodes, des équipements, des outillages et dont l’impact sur l’organisation 
et la conduite des chantiers constitue le franchissement d’une nouvelle étape de la plongée industrielle. Le scaphandrier « classique », sans renier ses origines, ses qualités et son « esprit de clan » a acquis une polyvalence lui permettant d’assurer les différentes fonctions ou postes liés à la nature du chantier. 

De la formation des hommes 

– Homme libre et téméraire, l' »ouvrier-plongeur » du 18e siècle fut longtemps associé aux épaves de navires et les belles images de cette histoire du travail sous-marin n’ont jamais bien traduit le courage de ces hommes qui intervenaient assez profondément avec une qualification souvent limitée à l’emploi de leur lourd équipement dans un environnement encore mal connu et encombré pour y exécuter des tâches qui nous paraissent aujourd’hui élémentaires mais difficiles pour leur temps. 

L’apprentissage de « réglage de plate-forme » dans les opérations de construction de ports, de ponts 
ou d’écluses n’avait certainement pas l’ambiance sereine de nos stages actuels.

La formation « sur le tas » assurée par les anciens au sein des entreprises de travaux sous-marins qui s’étaient développées au cours des 18e et 19e siècles de la même façon que les autres catégories 
de travailleurs terrestres fut tout de même une bonne école de maîtrise, de volonté et de courage. 

Seules les marines militaires moins pressées par l’urgence des marchés toujours plus exigeants, disposaient de centres d’instruction pour leur personnel et de commissions spécialisées. 

Ce secteur professionnel commença à s’étendre et les administrations furent amenées à créer 
des services de scaphandriers en même temps qu’apparaissait l’ « artisan-scaphandrier », travailleur indépendant louant ses services, encore présent, de nos jours. 

On aurait pu penser alors qu’il était permis de prendre un second souffle et de poursuivre, avec 
une allure de croisière raisonnable, l’investigation de l’acquis physiologique, d’affiner nos méthodes d’intervention et d’élaborer les nouveaux programmes de formation. 

Il n’en fut rien et le brut énoncé de ces succès ne montre pas, à l’évidence, combien cette accession aux grands fonds a exigé d’efforts, de travail d’équipe, chercheurs, techniciens, opérationnels 
et formateurs, mais également de moyens financiers. 

L’Institut National de Plongée Professionnelle (I.N.P.P.) 

Ainsi, à l’issue des travaux menés au niveau interministériel et sur décision du Premier Ministre, 
l’INPP prend la suite du CETRAVIM le 1er juillet 1982 sous forme d’association 1901 dont les membres titulaires sont les représentants des Administrations d’Etat, des Collectivités Territoriales, 
des Employeurs et des salariés professionnels avec une présidence assurée par le Président 
du Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur ès-qualité (1). 

Sous couvert de la Mission Interministérielle de la Mer, puis du Secrétariat Général de la Mer, 
et la double tutelle privilégiée du Ministère chargé du Travail et du Ministère chargé de la Mer, 
sous contrôle technique du Ministère de la Défense et opérant en étroite liaison avec le Ministère 
de l’Industrie, l’Institut met en place une organisation appropriée qui l’amène, en octobre 1985, 
à se voir confier des missions de service public par le Comité Interministériel de la Mer : 

– participation à l’élaboration des textes de législation en liaison avec les administrations d’état, 
les entreprises, les syndicats et les fédérations 

– harmonisation des filières de formation des différentes catégories de personnel et des formations complémentaires spécialisées liées aux activités correspondantes 

Accès aux tribunes :
Portrait du premier océanaute : Claude Wesly 
Notre Ami Claude Wesly s’est éteint le 20 novembre 2016

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Certains êtres portent en eux une aura particulière, et sont, par leur capacité à s’émerveiller de tout 
ce qui les entourent, des êtres exceptionnels. Claude WESLY était de ceux là. 

Ce qui frappe en premier lieu lorsque que l’on rencontrait ce personnage hors du commun, 
c’était sa grande humilité qui s’accompagne d’une immense gentillesse au point de vous laisser croire que c’est vous, qui êtes important. 
Il aurait pourtant de quoi se vanter ce Grand Monsieur, car il a consacré toute sa vie avec passion 
à de nombreuses expériences permettant à l’humanité d’avancer dans la connaissance du monde hyperbare. 

Il restait cependant très simple et n’oubliait pas ses compagnons lorsqu’il vous racontait son histoire : 

Né en 1930 à Dunkerque, Claude WESLY a commencé sa carrière comme professeur d’éducation physique à l’UCPA. 

Sa vie bascule en 1959, lorsqu’il rencontre Albert FALCO dans les calanques de Sormiou à Marseille. De cette rencontre, naîtra une fabuleuse amitié entre les deux hommes et le début d’une merveilleuse aventure humaine et scientifique. Très vite Albert FALCO présente Claude WESLY au Commandant COUSTEAU, qui lui proposera d’intégrer l’équipe de la CALYPSO. 

En 1962, Le Commandant COUSTEAU lance l’opération « Pré continent I » au large de Marseille. 
Objectif : prouver que l’homme est capable de vivre en pression constante une semaine sous la mer, et mesurer les résultats cliniques de cette expérience. 

Pour cette première expérience de maison sous-marine, le Commandant choisit les deux compères : 
Ils vivront sous la mer, durant une semaine dans un tonneau métallique nommé « Diogène » à 12 mètres de profondeur. 
C’est ainsi que Claude Wesly et Albert Falco entrent dans l’histoire et deviennent Le 14 septembre 1962 les premiers océanautes… 

Encouragé par le succès de cette opération, le Commandant COUSTEAU souhaite pousser l’expérience plus loin et lance l’année suivante l’opération “ Pré continent II ”, en mer Rouge au large de Shab Rumi. 
Claude WESLY, chef plongeur de l’opération embarquera avec 5 autres océanautes pour une aventure humaine incroyable : habiter un mois sous la mer dans une structure métallique, une étoile de mer nommée « la Denise ». 
De cette aventure naîtra un film, « Le monde sans Soleil » qui gagnera l’Oscar d’Hollywood. 

L’expérience se poursuivra avec “Pré continent III ” en 1965, au large de Nice, St-Jean-Cap-Ferrat, où ils resteront par 100 mètres de fond durant 3 semaines, sous la responsabilité de André LABON. 

Les prouesses techniques de ces 3 expéditions permettront d’importantes expériences médicales et scientifiques, dont les résultats analysées par le docteur FRUCTUS, le Professeur CHOUTEAU, sous la direction du commandant COUSTEAU et du commandant Jean ALINAT, permettront de réaliser une grande avancée technologique dans le monde hyperbare et d’améliorer la vie et le travail de l’homme sous la mer. 

De 1965 à 1969, toujours sous la direction du commandant COUSTEAU, il sera chef plongeur du Musée Océanographique de Monaco. 
Puis il partira en 1970 aux Etats Unis à la demande de la NASA pour mener de nouvelles expériences de Maisons sous-marines en compagnie de nombreux astronautes. 
Claude Wesly était un peu notre “ Gagarine ” de la mer… 

Fidèle à son ami, il dirigera après sa mort, l’Equipe Cousteau sur le Saint-Laurent, au Canada en 1999. 
Mais c’est certainement son expérience la plus récente, qui laisse dans son cœur une grande en accompagnant les enfants de COUSTEAU, 40 ans plus tard sur le lieu mythique de Pré continent II. 
Claude WESLY était  le “ conférencier de la mer ” et continue à délivrer le message du Monde du Silence auprès de milliers d’enfants. Il participa également à la communication de l’INPP, dont il était le prestigieux lors de conférences et de salons professionnels.

Claude nous a quitté le 20 novembre 2016.